27 juin 2008

LA DEGELEE RABELAIS

Dans le cadre de la manifestation
"La dégelée Rabelais",
proposée par le FRAC Montpellier et la Région Languedoc Rousssillon,

LORIOT/MELIA présentent
"LES RENGORGES"
à la Galerie Iconoscope.
1 rue du général Maureilhan
34000 Montpellier
04 67 63 03 84
06 20 36 57 47
email: iconoscope@wanadoo.fr

Du 6 juin au 28 septembre 2008.
Du mardi au samedi de 15h à 19h
Du 15 au 31 août sur rendez-vous.

Histoire des rengorgés

Lors de la traversée obligée d’un grand magasin en période de fête, nos oreilles furent accaparées par d’infimes sons dissidents émergeant du brouhaha général.
La recherche méthodique de ce bruit particulier nous conduisit au rayon des jouets et accessoires de fêtes. Là, un gamin allongé sur le sol manipulait, dans une totale béatitude, des "bâtons éructeurs ", sous le regard courroucé de sa mère.

Dans ce contexte très particulier, pourquoi avons-nous pensé à Rabelais ?
Dans la gueule du dieu-marchandise, n’étions nous pas, comme Alcofrybas –qui n’est autre que l’auteur lui-même- errant dans une bouche géante?
L’histoire précise qu’il se nourrissait de tous les bons morceaux qui passaient dans la gorge du géant et sur lesquels il prélevait ses droits de douane. Donc, à sa manière, face aux monceaux de marchandises nous décidions d’en prélever une infinitésimale partie sous la forme de ces sticks sonores et colorés.
Nous savons que, pour Rabelais, tout est prétexte à la gigantale parole. A preuve, dans Gargantua, ce fantastique recensement de tout ce qui fait l’univers de la taverne (exclamations, jurons etc...)   auquel nous vient l’envie d’ajouter cette exclamation entendue il y a peu dans un bar: «Eh Polo, viens donc baiser une roteuse avec nous!».
Chez Rabelais, donc, tout participe à la grande odyssée de la parole. Tout peut être objet de langage, tout peut devenir épopée, y compris les propos torcheculatifs. Mais revenons à nos bâtons... "dégueuleurs".

Voilà, de fil en aiguille, comment s’enchaîna le travail.
Des sons s’apparentant à des éructations furent obtenus par la mise en rotation de ces bâtonnets roteurs fixés sur une roue motorisée. On pourrait dire les choses ainsi, mimant l’antique lignage du grand Pantagruel :
Et le premier fut le son
Qui engendra la table
Qui engendra les verres
Qui engendra les lèvres
Qui engendra les traces sur les verres
Qui engendra..... l’ouverture de la cavité communiquant avec l’appareil digestif, c’est à dire la bouche, là où agit la langue.

Nous y voilà !  Le véritable géant dans l’œuvre de Rabelais est bien cette langue nouvelle d’une portée infinie. Une géante que l’on nomme  ECRITURE (d’ailleurs cette langue est si grande qu’elle peut même abriter une armée entière).

On apprend aussi en lisant le chapitre 32, qu’au fond de cette gorge de Pantagruel vit toute une populace située au-delà des dents, et dont on sait peu de choses en vertu du fait que la moitié du monde ignore la façon dont vit l’autre moitié, précise l’auteur. Gageons que le langage de ce peuple n’est fait que de rots. Une langue des rots en quelque sorte.
En conclusion, ces éructations ne seraient-elles pas pour ces gens situés de l’autre côté de la barrière  un moyen de montrer leur désapprobation? 

Le fin mot de cette histoire : dans ce pandémonium dédié à la marchandise  –dans ce grand magasin dont nous parlions plus haut-  une voix infime se faisait entendre : c’était celle d’un rengorgé...